Interview de Irma de la Guardia

par Solange VÁZQUEZ, traduction M.-C. Diaz

Le corps humain a certainement été le premier support pour la peinture: les primitifs qui ont été nos ancêtres, ont très vite su que leur peau serait plus attractive ou plus terrifiante, si ils la couvraient de symboles et de pigments. Avec le temps, la pratique de décorer sa propre anatomie est devenue très limitée au champ de la cosmétique faciale, mais il y a une discipline qui essaie de récupérer la magie transformatoire de ces premières expériences-là: cela s'appelle le body painting. Avec des moyens beaucoup plus sophistiqués que ceux de ces antropoides volontaires, l'espagnole Irma de la Guardia a gagné le premier prix du prestigieux concours parallèle de body painting au Festival International du Film Fantastique de Bruxelles 2001. L'artiste, née a Tanger, a créé Morphosis, un être ailé qui semble être tout juste arrivé d'un autre monde.

Question : Combien de temps t'a-t-il fallu pour terminer l'oeuvre ?

Irma : Ouf! Je ne pourrais pas le calculer. Avant de commencer à peindre, je fais un travail très laborieux de dessin, de recherche d'accessoires et de fabrication d'esquisses. Cela me prend beaucoup de temps. Ensuite, j'ai mis quatre heures a reproduire mon idée sur le
modèle.

(Morphosis: Modèle Yamil et Irma de la Guardia - Photographie (c) Robert)

Question : Et tout cela a été nécessaire pour l'écoulement de la douche, n'est-ce pas ?

Irma : Je suis très consciente de faire quelque chose de tout a fait éphémère. C'est précisement pour cette raison que beaucoup de gens ne la valorise pas. Mais ce que tant de détracteurs considèrent comme un défaut, je le considère comme une valeur: nous créons des oeuvres d'art vivantes, nous prolongeons et déformons le corps jusqu'à le transformer, et cette vie compense le temps minimum d'exposition. C'est fantastique de voir comment bouge quelque chose que l'on a peint.


Question : Mais l'art se vend. Combien coûte un de tes travaux ?

Irma : Je serais incapable de mette un prix à Morphosis, parce que cela a été une oeuvre très laborieuse. Mais je fais des présentations, des fêtes et des événements similaires à partir de 125.000 pesetas.


Question : Et ta profession te permet de vivre ?

Irma : Non. Elle demeure encore exotique en Espagne. Les gens ne la connaissent pas et ne la réclament pas. Donc, pour l'instant, cela ne me permet pas de vivre, bien que j'aimerais faire connaître cette discipline ici. Dans d'autres pays, elle est beaucoup plus assumée.

Question : Comment t'es-tu initiée au body painting ?

Irma : Je proviens du monde des arts scéniques : caractérisation, dessin de décors. J'ai beaucoup travaillé pour l’opéra, mais je souhaitais faire quelque chose de plus osé et de personnel.

Question : Est-il difficile de peindre sur la peau ?

Irma : Moi, j'adore, parce que la peinture se transforme et acquiert une condition caméléonique.

(Morphosis: body painting par Irma de la Guardia - Photographie (c) Robert)


Question : Oui, mais est-ce que c’est désagréable pour le modèle?

Irma :En effet, c'est peut-être plus incommodant pour le modèle.
Je prend d'habitude des gens dont la patience est prouvée, parce qu'ils doivent rester longtemps immobiles et nus bien sûr.
J'essaie de les connaitre avant et de leur expliquer tout le processus pour qu'ils s'impliquent et ne se sentent pas violentés. Malgré le fait qu'ils sont nus, la couche de peinture les habille d'une certaine manière. Pour cela, cela n'est pas scabreux. En effet,. je me souviens dans une presentation que j'ai faite, de type esoterique, une vieille dame avec ses petits-enfants s'est dirigée directement vers moi. J'ai pensé qu'elle allait m'enguirlander, mais, au contraire, elle m'a dit que mon travail lui paraissait fantastique et qu'elle ne l'oublierais jamais.


Question : Est-ce que certains ont eu peur en se voyant transformés ?

Irma : La plupart sont restés tout a fait sans réaction, parce que je ne les laisse pas se regarder dans une miroir tant que l'oeuvre n'est pas
terminée. Voir les traits est très décevant et équivaut à dévoiler le "truc". J'ai beaucoup de plaisir à contempler la surprise sur leur visage: ils ne se reconnaissent pas.


Question : Y a-t-il un corps particulier que tu aimerais utiliser comme toile ?

Irma : Eh bien je n'ai aucune idole que je rêve de peindre. N'importe quel corps avec de jolies proportions m'est valable.

Question : Alex de la Iglesia, par exemple ?

Irma : Pourquoi pas ? En ce qui me concerne, je serais enchantée. On peut tirer parti de tous les corps, même s'ils ne sont pas idéaux.

(Morphosis: Body painting par Irma de la Guardia- 1er Prix - Photographie (c) Robert)

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